Les Graingeauds avaient eu déjà eu un écho des méfaits de l'alcool :
Cela se passait chez Francion, autrement dit François Dominique Froitier, un cabaretier de Granges, le jour où des jeunes de Jussarupt, village voisin, avaient raconté le drame du 13 janvier 1811 :
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Avez-vous eu vent de la dispute de la nuit dernière par chez nous ?
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Non, que s'est-il passé, c'est grave ?
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Un peu, raconte-leur Jean.
Et le dénommé Jean s'était exécuté après avoir avalé un peu de vin :
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Eh bien, il paraît qu'hier, Georges Gremillet et son beau-frère Thomas Martin, de notre village, étaient allés à la pêche de nuit...
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Comment ça de nuit ? Avait demandé un non-initié.
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Oh, la technique est simple, Georges emporte un fossoir ( houe ) pour mettre à sec des portions de ruisseau et ils n'ont qu'à se baisser pour ramasser le poisson !
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Gare aux gardes s'ils se font prendre....
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Laisse-le donc parler, Francion, car jusqu'ici il n'y a pas de quoi fouetter un chat ! Avait ajouté un « dur »
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Sûr, mais, en revenant, ils sont entrés avec Nicolas Pentecôte, de Laveline ( aujourd'hui Laveline devant Bruyères ), chez son frère Dominique Pentecôte qui tient une auberge à Laveline...
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Et alors ?
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Ben, là, ils ont dû boire beaucoup, vin, goutte, est-ce que je sais moi ?? Toujours est-il qu'ils sont ressortis à 3 heures du matin , bien éméchés !
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Et c'est là qu'une dispute a éclaté ?
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Oui, Georges Gremillet et Nicolas Pentecôte se sont fâchés, je ne sais pourquoi, et georges a fendu le crâne de Pentecôte d'un coup de fossoir !
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Non, et il est...
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Mort ? Non, mais il n'en vaut guère mieux...
Cette nouvelle avait laissé tout ce monde perplexe, tous plus enclins aux rigolades qu'aux bagarres.
Quelques jours passèrent et, le 25 janvier, on appris la nouvelle de la mort de l'infortuné Pentecôte. Les nouvelles vont alors bon train et on commente chez Francion :
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Ce sont deux médecins de Bruyères, Jean-Baptiste Mougeot et Claude Thiébaut, qui ont fait le constat et, vu la blessure, la culpabilité de Gremillet ne fait aucun doute.
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Il a été arrêté ?
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Non, le fin Georges, comme ils l'appellent à Jussarupt, a senti que les choses tournaient mal et il a disparu. Personne ne sait où il est, c'est un malin, alors pour le retrouver...
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C'est vrai, dit un autre consommateur, Nicolas Boileau, un gendarme de Bruyères, est venu pour l'arrêter, en compagnie de Jean-Baptiste Aubry et Jean-Baptiste Gremillet, les brigadiers forestiers de Beauménil ( autre village ) mais ne l'ont pas trouvé chez lui. On dit que Marguerite, sa femme, lui a conseillé de s'enfuir... D'ailleurs elle ne s'en cache pas !
Georges Gremillet, alors âgé de 32 ans, est condamné, par contumace, le 22 avril 1811, par la Cour d'Assises des Vosges, siégeant à Epinal. On dispose de peu de moyens pour mettre la main sur un fuyard tel que Georges Gremillet, rusé et connaissant la région comme sa poche, même le plus profond des forêts, et les gendarmes n'ont guère de chance d'appréhender le prévenu. Pourtant, le 12 novembre suivant, sans doute fatigué à l'approche de l'hiver, après s'être caché on ne sait où, le fin Georges se constitue prisonnier à Epinal. Il affirme : « Je suis las d'être dans l'incertitude au sujet de la condamnation portée contre moi... »
Evidemment, il est rejugé par la Cour d'Assises vosgienne et se voit condamné, à l'unanimité des jurés, le 4 mars 1812, à 20 ans de fers. Il doit aussi payer les frais de son procès.
Le 8 mars suivant, à Epinal, Georges est exposé pendant 6 longues heures sur la Place des Vosges, attaché à un poteau, la tête surmontée d'une pancarte portant son nom, sa profession, sa condamnation et la raison de celle-ci.
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