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Madame Lejeal, votre mari avait-il un couteau en poche pour se rendre à la foire le 17 juin ?
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Non, il n'en avait pas.
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Le soir, il est ressorti. Et vous-même, êtes-vous sortie après avoir entendu des éclats de voix ou des bruits provenant de l'extérieur ?
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J'ai ouï du bruit, j'ai quitté un instant mon enfant ( Jean Joseph, 27 mois ) pour aller voir...
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Et....à ce moment, vous avez vu votre mari se querellant avec Baradel ?
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Non. J'ai rencontré mon mari sur le seuil et nous sommes rentrés ensemble.
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Vous persistez à prétendre ne pas être sortie....Et le verre d'eau de vie que vous aviez servi, à qui le destiniez-vous alors ?
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Je persiste à soutenir que je ne suis pas sortie. J'ai bu de l'eau de vie à la cuisine pendant qu'on mangeait la soupe au poêle, mon mari y étant déjà, mais c'était pour me remettre de la frayeur que m'avait occasionné le bruit que j'avais entendu hors de la maison.
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Ce bruit, sans aucun doute celui qui accompagna les derniers instants de Baradel, vous avez bien dû essayer d'en localiser la provenance, donc voir le corps étendu ?
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Non; Je n'ai connu la mort de Baradel que le lendemain matin.
Elle nie tout, comme son mari, mais ce système de défense ne tiendra devant aucun tribunal, se dit le juge Febvrel. Il la fait raccompagner à sa cellule et fait revenir le mari une dernière fois :
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De nombreux témoins rapportent votre dispute avec Baradel, le 17 juin dans la soirée, vous ne pouvez continuer à nier cette évidence !
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Non. Je n'étais pas là.
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Votre femme a entendu du bruit, vous ne pouvez pas ne pas l'avoir entendu vous aussi...
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Je vous proteste que je n'ai rien ouï et que ma femme n'a pas pu entendre quelque chose.
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Ah....... Donc : vous étiez là !
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Chez moi, à l'intérieur, pas sur le chemin.
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Aviez-vous un couteau pour descendre à Granges le matin ?
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Oui, comme d'habitude, il me sert pour casser la croûte et même d'outil. Je ne suis pas le seul dans ce cas ….
Mis au pied du mur, Lejeal nie encore. Cependant, le juge voit deux contradictions entre les époux Lejeal : le couteau en poche et le bruit entendu au dehors. C'est peu, mais avec les témoignages accablants, cela suffit pour les inculper tous les deux d'assassinat. L'instruction est close.
Le 23 août suivant, emmenés au palais de Justice d'Epinal, les deux époux sont pressés par le président Chavane de dire enfin la vérité. Peine perdue, chacun d'eux affirme « que ses réponses contiennent vérité et qu'il y persiste ».
Rien ne fait revenir les époux Lejeal sur leurs déclarations.