Jean-Baptiste Didier n'en peut plus, il craque, innocent et ne voulant pas payer pour le crime d'un autre, il avoue avoir menti et le juge lui demande de dire toute la vérité sans rien omettre :
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Le mardi 17 juin, avant 7 heures du soir, j'ai bu deux « anglaises » de vin avec Claude Lejeal, chez Francion.
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Avez-vous assisté à la querelle entre Baradel et Lejeal ?
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Oui....
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Lejeal était-il le provocateur ?
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Oui.
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Est-ce lui qui a agressé Baradel plus tard à Rosé devant chez lui ?
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C'est la vérité, Ferry n'a pas menti et je n'ai pas participé aux coups : il m'avait mis à l'écart en m'empoignant.
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La rixe a-t-elle été longue ?
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Je ne saurais dire exactement, Monsieur le Juge,deux ou trois minutes …. puis Baradel est tombé...
Cette confession accable Claude Lejeal. N'ayant plus ni indices ni charges contre Didier, le juge Febvrel renonce à l'accusation portée contre lui et le fait relaxer.
Le mercredi 18 juin 1823, c'est Georges Baradel, frère cadet de Laurent, 41 ans, habitant Barbey-Seroux, qui va déclarer à la mairie de Granges le décès de son frère. Le greffier enregistre cette déclaration en ces termes : « ….le dix huit juin 1823, Georges Baradel, frère du décédé ci-après nommé » nous a déclaré que « Laurent Baradel, âgé de quarante trois ans, époux de Marguerite Mengeolle, né à Granges, cultivateur à Heméfosse, est décédé le dix sept juin vers les neuf heures du soir, lieudit au Canton de Rosé, territoire de Granges, d'une mort très violente, et après que les articles 81 et 82 du Code Civil ayant été remplis nous avons dressé le présent acte ... ». Suivent les signatures du maire et de Georges Baradel.
L'article 82, relatif à des décès consécutifs à des violences, alinéa 1er du Code Civil, stipule que l'officier de police sera tenu de transmettre de suite à l'officier d'état civil du lieu du décès tous les renseignements énoncés dans son procès verbal ( procès verbal relatif au cadavre présentant des signes de mort violente – article 81 – d'après lesquels l'acte de décès sera rédigé). Mais l'acte de décès ne doit différer en rien d'un acte ordinaire puisqu'il ne doit pas mentionner les circonstances de la mort.
Georges Baradel épargne ainsi à la famille de son frère la douleur supplémentaire d'accomplir cet acte officiel et obligatoire.
Le samedi 28 juin 1823, le juge d'instruction dresse un état des pièces à conviction et mentionne les 3 couteaux dont 2 à manche d'os et 1 de bois saisis chez Lejeal ainsi que les vêtements de la victime.
Puis, après mûre réflexion, il est amené à suspecter Marie Thérèse Georgel, l'épouse de Claude Lejeal, de complicité de meurtre en ayant aidé ou poussé son mari à perpétrer son forfait. En conséquence, il rédige contre elle un mandat d'amener le 14 juillet suivant.
C'est la brigade de Gendarmerie Royale de Gérardmer qui exécute ce mandat le 18 juillet : l'arrestation de la prévenue est faite par le maréchal des logis Jean-Baptiste Hérard secondé du gendarme Joseph Saulcy.
Incarcérée à la maison d'arrêt de Saint-Dié, Marie Thérèse Georgel, épouse Lejeal, 33 ans, est décrite comme étant d'une taille de 1m49, cheveux et sourcils châtains, front ordinaire, yeux bleus, nez moyen et bouche moyenne, menton rond, visage ovale de teint clair, elle ne sait pas signer.
Le lendemain de son arrestation, le 19 juillet, la femme Lejeal est interrogée par le juge Febvrel.