Le 2 août 1823, la Cour Royale de Nancy, examinant l'affaire, signe un arrêt renvoyant par devant la Cour d'Assises des Vosges « pour y être jugés les nommés Claude Lejeal et Marie Thérèse Georgel sa femme, tous deux cultivateurs à Rosé, commune de Granges, accusés d'assassinat ».
Les sessions ordinaires de la Cour d'Assises d'Epinal ont lieu aux mois de mars, juin, septembre et décembre. Habituellement la Cour se compose d'un président, deux conseillers ou juges assesseurs, douze jurés tirés au sort sur une liste de trente six noms déjà tirés au sort sur une liste annuelle, d'un membre du Ministère Public et d'un greffier.
Le procès a lieu en audience publique à Epinal le 6 septembre 1823. Y siègent Messieurs Charles Xavier Nicolas François de Rozières, Conseiller de sa Majesté Louis XVIII en la Cour Royale de Nancy, président, Jean Louis Chavanne, second président, Antoine Joseph Martin, vice-président, Pierre François Benoist et Dieudonné Henri Joseph Cosserat de Rouverois, plus anciens juges non empêchés au tribunal de première instance d'Epinal.
Le ministère public est représenté par le Procureur du Roi, Joseph Cuny, et le commis greffier est un nommé Joseph Poirot. C'est lui qui signe le procès verbal de tirage au sort des jurés ce 6 septembre. Une liste de trente avait été préalablement tirée. On y trouvait les noms de Messieurs Perrin, Ruyer, Mariotte, Grandclaude, Grosmand, Falque, Rotiot, Garnier, Durand, Chevreux, Aymé, De Légier, Choley, Muller, Décormeau, Baudel-Martinet, De Bourgogne, Marchal, Gaxatte, Caumont, le Comte Depardieu, Chavane, le chevalier De Valentin d'Uriménil, Lepaige, Balon, Mougeot, Loye, De Maillier, Boitteux et Lamarche.
Le second tirage désignera les noms des douze jurés : Perrin, Ruyer, Grandclaude, Rotiot, Aymé, Baudel-Martinet, De Bourgogne, Gaxatte, Caumont, Lepaige, Balon et Loye. Chacun d'eux est âgé d'au moins trente ans.
Claude Lejeal a pour avocat Maître Mandheux et c'est Maître Pellet qui assure la défense de Marie Thérèse Georgel.
Le procès peut commencer. Les jurés écoutent avec attention les différents aspects et témoignages du drame et l'acte d'accusation signifié aux époux Lejeal ainsi que l'arrêt de renvoi « portant ordonnance de prise de corps ». A la suite de quoi le président présente au jury les questions ainsi formulées :
« Claude Lejeal et Marie Thérèse Georgel sa femme, tous deux demeurant à Granges, accusés présents, sont-ils coupables d'avoir, dans la soirée du 17 juin dernier, par participation en coopération commune, porté volontairement un coup d'un instrument tranchant à Laurent Baradel, duquel coup il est résulté la mort de ce dernier, avec les circonstances que ce coup a été porté, premièrement avec guet-apens, deuxièmement avec préméditation ?
Marie Thérèse Georgel est-elle coupable de complicité de ce coup d'un instrument tranchant porté volontairement à Baradel et duquel est résulté sa mort, pour avoir avec connaissance aidé ou assisté l'auteur dans les faits qui ont préparé, facilité ou consommé l'action, avec la circonstance que ce coup a été porté, premièrement avec guet-apens, deuxièmement avec préméditation? »
A ces deux questions les jurés vont devoir répondre en se retirant pour délibérer. S'ils sont tous convaincus de la culpabilité de Lejeal, ils débattent davantage pour établir s'il a ou non prémédité son geste, peut-être en remontant furieux de Granges, et s'il a ou non tendu une sorte d'embuscade à sa victime. Ils rejettent finalement cette dernière éventualité car, après tout, Lejeal se trouvait devant sa maison et on ne peut rien trouver de répréhensible à cela.... Peuvent-ils l'accuser d'avoir tendu un guet-apens alors qu'il est chez lui ? Non, évidemment, et c'est unanimement qu'ils refusent d'admettre la circonstance de guet-apens.
Claude Lejeal a-t-il prémédité le meurtre de Laurent Baradel ? Ils ne le pensent pas non plus. L'altercation chez Francion est bien de son fait, il était sans doute encore sous l'effet de la colère, mais les douze hommes ne retiennent pas qu'il aurait décidé de tuer, tout au plus de se poser comme le plus fort, même verbalement. Ils croient plutôt que l'alcool l'a poussé à tirer son couteau pour battre à tout prix un homme plus vigoureux que lui et qu'il ne parvenait pas à terrasser. Sa taille, moyenne, complexait sans doute cet homme irritable et il compensait par son agressivité....