Les jurés continuent leur délibération par une constatation :
C'était toujours quand il avait bu que Claude Lejeal sortait son couteau, son arme, comme une espèce de palliatif.
Quant à son épouse, les jurés tombent d'accord pour admettre qu'elle est sortie en entendant des cris, qu'elle a bien injurié également Laurent Baradel, secondant ainsi son mari, mais uniquement en paroles. Certes soutenu par sa femme, Claude Lejeal n'avait pas besoin de cet encouragement, toutes les fois où il avait manifesté de l'hostilité envers Baradel, Marie Thérèse ne se trouvait pas avec lui pour le conseiller !
La délibération terminée, le jury répond aux deux questions du tribunal :
« Non, à l'unanimité, Marie Thérèse Georgel n'est pas coupable.
Oui, à l'unanimité, Claude Lejeal est coupable d'avoir porté volontairement un coup duquel est résulté la mort mais sans intention de la donner et sans les circonstances de guet-apens et de préméditation ».
Cette dernière déclaration fait bondir les avocats, Maîtres Mandheux et Pellet : comment comprendre la décision du jury qui affirme que l'accusé n'avait pas l'intention de donner la mort, tout en admettant deux secondes auparavant que le coup porté était volontaire ? Car, enfin, s'il n'y a pas intention, est-il possible qu'il y ait en même temps volonté délibérée ? ? Il y a là contradiction évidente ! !
Pressé par les avocats, le Procureur du Roi, Joseph Cuny, représentant le ministère public, est contraint à requérir une nouvelle délibération du jury, qui rapportera donc une seconde déclaration :
«Claude Lejeal est coupable d'avoir porté involontairement un coup duquel est résulté la mort, sans les circonstances de guet-apens et de préméditation ».
Satisfaits, les avocats attendent le verdict, confiants. Le Président en donne lecture, quelque temps plus tard, rejoignant le réquisitoire du procureur qui s'appuyait sur la première déclaration du jury :
«- En conséquence de la déclaration du jury, Marie Thérèse Georgel est acquittée de l'accusation portée contre elle et sera remise en liberté si elle n'est retenue pour autre cause.
-En conséquence de la première déclaration du jury et en vertu des articles 295, 304, 20, 22, 26 du Code Pénal et 368 du Code d'Instruction Criminelle, Claude Lejeaj, accusé présent, est condamné à la peine des travaux forcés à perpétuité et aux dépens de son procès, à être flétri des lettres T.P et mis au carcan sur l'une des places publiques de la ville d'Epinal avec les formalités prescrites par les articles 20 et 22 précités. »
L'article 295 du Code Pénal indique que l'homicide volontaire est qualifié de meurtre, l'article 304 que le meurtre est puni de mort lorsqu'il aura accompagné ou suivi un autre crime ou délit, et qu'en tout autre cas le coupable de meurtre sera puni de la peine de travaux forcés à perpétuité. Claude Lejeal n'ayant pas tué Baradel dans le but d'accomplir un autre forfait, tel que le vol par exemple, il ne peut donc être condamné à mort.
L'article 20 stipule que le condamné sera flétri en place publique par l'application avec un feu brûlant d'une empreinte sur l'épaule droite : la marque au fer rouge des lettres T.P : Travaux ( Forcés) à Perpétuité.
L'article 22 entraîne l'exposition au carcan et l'article 26 précise que l'exécution aura lieu sur une des places publiques du lieu qui sera indiqué par l'arrêt de condamnation.
Quant à l'article 368 du Code d'Instruction Criminelle, il condamne l'accusé aux frais envers l'Etat et l'autre partie, soit, dans le verdict, « aux dépens de son procès ».
Les frais de Justice Criminelle, pour le Juge d'Instruction de Saint-Dié, Louis Melchior Febvrel, pour la Cour Royale de Nancy et pour la Cour d'Assises d'Epinal, incombant à Claude Lejeal, se montent à quatre cent quarante six francs cinquante centimes.
Lejeal est condamné à une heure de carcan sur la place des Vosges à Epinal avec, au-dessus de sa tête, un écriteau portant son nom, sa profession, son domicile, sa peine et la cause de sa condamnation. L'heure passée, il sera alors marqué des lettres T.P.