Le témoin suivant était le sabotier Jean- François Genay, 20 ans, des Arrentès, lieu-dit Devant les Voids, au service de Claude Lejeal, chez qui il loge actuellement; après avoir décliné tout cela :
-
Avec mon camarade Stouvenel et le jeune domestique Thiébaut, nous sommes sortis après avoir entendu des éclats de voix....
-
A qui appartenaient ces voix ?
-
Je n'ai pas connu les personnes qui se disputaient mais j'ai pensé que ce pouvait être mon maître... Nous sommes rentrés précipitamment pour ne pas être mêlés à une bagarre....
-
Et ensuite ?
-
Nous avons mangé la soupe et les pommes de terre et nous avons fumé la pipe au coin du feu avec notre maître.
Nicolas Stouvenel, 19 ans, des Arrentès, lieu-dit Sarimont, lui, a une version un peu différente :
-
J'ai distingué le grand Baradel, le grand Colas, Jean-Baptiste Didier, mon maître et sa femme.
-
Lesquels étaient aux prises et que disait-on ?
-
Je n'ai pas pu distinguer ceux qui frappaient et ce qui se disait, Monsieur le Juge.
-
La femme Lejeal était dehors donc.... Qu'a-t-elle dit ou fait en rentrant ?
-
Elle nous a donné un verre d'eau de vie, en a bu un et en a porté un autre dehors.... Elle s'écriait « Oh mon Dieu, mon Dieu ! »
-
Que se passa-t-il après cela ?
-
Mon maître et sa femme sont rentrés et on nous a servi la soupe.
-
Ils n'ont fait aucune remarque ?
-
La femme Lejeal nous a recommandé de ne rien dire de ce qui s'était passé et, depuis ce moment-là, elle nous a toujours fait les mêmes sollicitations ainsi que sa soeur Catherine. Je ne sais pas à qui elle destinait le verre de goutte qu'elle a porté dehors en se cachant ….
A la suite de quoi, le juge rappelle Genay :
-
Etes-vous sûr d'avoir tout dit ? Votre camarade sabotier a mentionné d'autres détails au sujet d'eau de vie …...
-
C'est vrai, j'avais oublié... Je confirme.
-
Par conséquent la femme Lejeal était bien avec son mari au moment du drame ?
-
Oui, Monsieur le Juge, et, quand elle est rentrée, elle nous a dit, tout comme ce matin : « Mes enfants, prenez bien garde de dire le moindre mot ! »
Le suivant, Jean-Baptiste Perrin, 60 ans, manoeuvre, demeurant au Haut de Rosé, employé chez le voisin immédiat de Claude Lejeal, Jean Claude Villaume, déclare qu'il a été choisi par l'adjoint de Granges pour garder le corps avec son maître et qu'ils ont allumé un feu pour s'éclairer et se réchauffer un peu « depuis 11 heures du soir jusque vers 2 heures du matin » et qu'il n'a vu personne rôder autour de la maison Lejeal ni en sortir.
Ce que confirme Jean Claude Villaume, ajoutant que Ferry lui a dit que Didier n'avait personne frappé et que Lejeal était seul coupable.
Puis vient le tour de Nicolas Ferry, déjà entendu, mais dont le témoignage primordial, mérite qu'on y revienne. Il ne change pas un mot à sa première déposition mais la complète d'une remarque :
-
Lorsque je suis descendu à la foire de Granges et que je me trouvais à hauteur du calvaire du Haut de Herméfosse, j'ai aperçu la femme Lejeal, qui, profitant certainement que Laurent était à la foire, disait plein de bêtises à Marguerite et la disputait vivement !
Le juge fait alors comparaître Marguerite , très éprouvée, mais trouvant le courage de déposer pour que justice soit rendue à son mari, après avoir donné son identité et son âge ( 55 ans ), elle parle en sanglotant :
-
Mardi, mon mari est allé à la foire et je n'ai plus eu le bonheur de le revoir.....Je n'ai appris qu'à 5 heures du matin qu'il avait été tué....Les Lejeal lui en voulaient par jalousie parce qu'il avait acheté des terrains communaux voisins de leurs propriétés et louait aussi des pâturages.
La femme Lejeal est venue hier me lancer des injures et s'en prenait aussi aux bêtes....
- Merci madame, vous avez l'autorisation d'inhumer le corps de votre époux.