Sur la foire on vendait toutes sortes de choses fabriquées sur place ou autres mais la plus grande place revenait aux marchands de bestiaux. Le bétail attirait tous les regards et on marchandait dur l'achat ou la vente d'une belle bête. « Tope-là », c'est dans ces termes et en se touchant simplement main que l'affaire était conclue.
Les femmes bavardaient entre elles, sans s'attarder car il y avait la soupe qui n'attendait pas ! Elles se laissaient aller parfois à rêver devant de beaux tissus et c'était fête lorsqu'elles pouvaient s'en offrir un.
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As-tu vu, Marie, ce beau coupon là-bas, sur l'étal de ce marchand de St-Dié ? J'en ferais bien une nouvelle robe, la mienne n'est plus de la dernière rosée !
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Oui, Catherine, il me fait envie à moi aussi mais ce sera pour une autre fois, je dois penser à l'essentiel et nous avons perdu une vache la semaine dernière, alors...
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Tout d'même, on trime du matin au soir et pourquoi ? J'te l'demande ….
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Bah, l'espoir fait vivre... Achète-le donc ton tissu Catherine, profite tant que tu le peux !
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Après tout.. tu as raison Marie, j'y vais de ce pas !
A l'angle, au coin de l'église, le cordonnier vendait des chaussures de cuir qui faisaient l'orgueil des plus élégants mais surtout des plus riches car la chaussure habituelle des paysans c'était le sabot, le « courte-gueule », plus exactement, sabot entièrement en bois, sans lanière de cuir comme certains.
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Je te vois là, prêt à acheter ces souliers de cuir, mon Joseph ?
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Que non, Pierrot, j'en ai une paire que j'ai achetée il n'y a pas 3 ans et elles est loin d'être usée. Mes souliers de bois le seront avant ! Je ne les porte que pour la messe du dimanche et aux grandes occasions. Je crois bien que la dernière fois c'était au mariage de ma cadette, en octobre, ou plutôt non, à l'enterrement du vieil Antoine, en janvier de cette année.
Tout comme les habits du dimanche il faut économiser les chaussures et qu'elles fassent une « paire» d'années, comme on dit dans les Vosges. La paire, ici, peut être multipliée par le nombre qu'on veut............
Les hommes qui trinquaient chez Morel, après avoir vu ce qui les intéressait sur la foire, se retrouvèrent comme convenu chez Francion.
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Salut Francion, tu fais ton beurre aujourd'hui, hein ?
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Salut à tous, ça va en effet,mais que de travail !
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Bah, tu ne regretteras pas les taxes que tu verses au percepteur !
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Oh oui, depuis 1804, on doit déclarer ses rentrées et payer le 30 du mois : 1 franc par hectolitre de bière, 2 francs par hectolitre de vin et 4 par hectolitre d'eau de vie !
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Tu ne peux pas en rentrer un peu en douce ?
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Mieux vaut être en règle : c'est trop risqué, pour les contrevenants l'amende est égale à la valeur totale de ce qui n'a pas été déclaré !
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Qu'est-ce qu'ils font de l'argent des amendes ??
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Je crois que la moitié est versée à la caisse de l'hospice civil d'Epinal pour le service des enfants abandonnés.
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En voilà au moins une partie employée pour du bien … Tiens voici les marcaires ( fromagers) du haut Liézey et de Champdray. Salut Lecomte, salut Bombarde, salut Crouvisier, salut Daniel ! Vous vendez sur la foire ?
Les poignées de mains étaient chaleureuses.
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Oui, mais on a soif.
Mais les pauvres assoiffés durent répondre aux questions des Graingeauds qui avaient toujours envie de faire la causette ! ….........