EPILOGUE
Elle y survivra.
Courageusement elle continuera en s'occupant de ses petits-enfants jusqu'à ce 22 mai 1847 où elle fermera les yeux à jamais, là-haut, à Herméfosse, sur les terres qui l'ont vue naître, vivre, enfanter, souffrir et mourir, enfin. Elle avait 74 ans. C'est son neveu, Jean-Baptiste Mangeolle, qui vit aujourd'hui à La Chapelle, qui a la charge d'aller déclarer le décès de sa tante, chez qui il fut longtemps domestique.
On parlera durant des années à Granges du calvaire de cette femme, très commune en somme, mais dont le destin tragique, tout comme celui de son mari, restent gravés dans le grès vosgien des calvaires du Haut de Herméfosse et de Rosé.
A Rosé, Claude Lejeal, 60 ans, vit encore dans sa ferme, conduite maintenant par ses fils Jean Joseph et Jean Nicolas.
De ses fenêtres il regarde passer le cortège funèbre de l'épouse de celui que, jadis, il tua, voilà plus de 23 ans ...Lui, l'assassin acquitté par un inespéré concours de circonstances, éprouvé malgré tout par le remords, lui si dur autrefois, est cependant touché par la souffrance qu'a vécue celle que transporte ce corbillard noir, tiré par ce cheval noir et suivi de cette foule vêtue de noir. Le noir semble tout recouvrir, comme un brouillard, un brouillard qui vient de se former dans les yeux de Claude, qui pleure, revoyant le même cortège qui, un jour, emporta sa Marie Thérèse.
Moins d'un an plus tard, le 14 avril 1848, il décède à son tour. C'est son fidèle frère Jean Joseph, 62 ans, qui accompagne son neveu Jean Nicolas à Granges pour signer avec lui l'acte de décès dans le registre de la commune, tournant ainsi définitivement la page de l'histoire du Calvaire du Haut de Herméfosse.
Granges est à l'aube de la grande époque de l'industrie textile qui verra l'avènement, à partir de 1856, de filatures et tissages capables de faire vivre la population ainsi qu'une partie de celle des alentours. Les exploitations agricoles ne suffisant plus à nourrir toutes les bouches, le textile apporte une véritable bouffée d'oxygène. Dans toute la vallée de la Vologne, de Gérardmer à Laveline devant Bruyères, en passant par Granges et Aumontzey, les filatures et tissages poussent successivement, accueillis en sauveurs par les populations paysannes en mal d'emploi.
Au début du 20ème siècle, la petite ville de Granges approche les quatre milliers d'habitants, la plus peuplée du canton de Corcieux.
Peu à peu, les fermes sont abandonnées et il ne reste rapidement que ruines dans les endroits les plus écartés, les écarts, comme à Rosé ou au Haut de Herméfosse. La plupart des terres sera reboisée de sapins mais aussi de bon nombre d'épicéas.
Quant aux foires, l'augmentation considérable de leur nombre un peu partout a créé un éparpillement et la diminution de leur attrait. Granges y renonce en 1889 mais continue, aujourd'hui encore, à accueillir le marché du mardi.
FIN
Récit terminé le 6 avril 1997 dans les Vosges et publié sur ce blog en janvier et février 2010.
Merci à tous ceux qui s'y sont intéressés.
Claude.