Il grandissait le petit Baradel et, en 1813, il eut le bonheur d'avoir un petit frère que ses parents prénommèrent Dominique Victor. Certes, lorsqu'il serait en âge de jouer, lui n'en aurait plus souvent le loisir ni l'envie, car il aimait déjà courir derrière son père pour conduire les bêtes aux pâturages et apprendre les rudiments de son futur métier : cultivateur–éleveur, mais un frère cadet cela promet à coup sûr de merveilleux instants de complicité.
Hélas, la roue tourne et on ne se trouve pas toujours sur les meilleures cases désignées par le sort. Et celui–ci apporta un premier malheur au foyer Baradel : le petit Dominique Victor mourut de maladie à l'âge de trois ans, le 18 avril 1816. C'est le coeur brisé que Laurent, accompagné de Dominique Didier, le notaire, son ami et parrain du petit, alla déclarer le décès en la maison commune de Granges.
Les obsèques, au cimetière du village, furent très tristes et chacun se répétait que la mort d'un enfant est vraiment trop cruelle. Les parents et amis, tous réunis, parvinrent à consoler un peu Marguerite, Laurent et leur aîné, qui firent face à cette épreuve avec beaucoup de courage.
La vie reprit et la ferme rapportait bien, il est vrai que Laurent, qui pouvait maintenant embaucher des journaliers, y mettait tout son coeur. C'était un travailleur le grand Baradel et Marguerite n'était pas en reste, ni d'ailleurs leur fils qui, à seize ans, faisait sa part de travail. Il était devenu solide et il fallait le voir avaler la soupe de légumes et manger de bon appétit le succulent retirage ( plat complet constitué de porc, de lard, de pommes de terre et de chou essentiellement ) préparé par sa mère, qui avait toujours eu des talents de cordon bleu !
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Allons fiston, je crois que ta mère nous attend; il est déjà midi au soleil...
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Alors rentrons, j'ai une faim de loup !
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Ohé maman ! Qu'est-ce que tu nous as mijoté de bon aujourd'hui ?
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Un retirage, mes hommes, j'espère que vous êtes en appétit ?
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Certes oui ! Il doit être fameux à en juger par l'odeur qui asticotait nos narines avant d'entrer !
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Comme d'habitude gourmand... Avec les pommes de terre et les navets, j'ai ajouté des carottes et du chou et un bon morceau de cochon et de lard bien maigre. Mais avant, je dois retirer le bouillon et vous allez d'abord en manger une bonne assiette, c'est la soupe qui fait l'homme !
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Et c'est la femme qui fait la soupe.............. ajouta son mari en riant.
Tous trois rirent de bon coeur et passèrent à table. Un gérômé, fromage du cru au lait de vache, qui est en fait la première étape du Munster fermier, qui, lui, est « passé », termina le repas. Souvent Margeuerite prenait même le temps de leur cuire une bonne tarte aux pommes, aux prunes ou aux brimbelles ( myrtilles ) quand on était en juillet. Brimbelles qu'on allait cueillir dans les forêts proches et, il en fallait « une bonne affaire » pour réussir une bonne tarte ! Mais ses hommes le méritaient bien et c'est avec amour qu'elle cuisinait.